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Grand débat national 

Grand débat, cet exutoire « institutionnel » à la révolte sociale 
 
Face au soulèvement insurrectionnel des Gilets jaunes l’équation a semblé insoluble pour le gouvernement Macron.  
Pour neutraliser la mobilisation du mouvement Gilets jaunes, le gouvernement a tenté toutes les formules. Dans un premier temps, l'Etat a misé sur la stratégie de l’intimidation par la violence terrorisante matérialisée par l'usage disproportionné de la répression policière, aux moyens d’armes de guerre. Qui plus est, répression appuyée par un dispositif militaire embusqué prêt à l’intervention. Puis, dans un second temps, sur la division entre bons et mauvais manifestants, « bons » Gilets Jaunes contre les « méchants casseurs ». 
Dans un troisième temps, tout en poursuivant sa politique de répressions policières sanglantes, le régime bonapartiste macronien a pris la résolution d'organiser un “Grand Débat” national.  
Annoncé dès le mois de décembre, au lendemain des premières emblématiques manifestations insurrectionnelles des samedis 3 et 8 décembre, le Grand Débat a été initié dans l'affolement et la précipitation par le gouvernement pour tenter de canaliser le mouvement gilets jaunes sur des voies politiques institutionnelles pacifiques.  
Cette tentative d’institutionnalisation de la révolte populaire, de récupération du mouvement en vue de l'encadrer notamment par des corps intermédiaires pourtant discrédités, n'a pas eu l'effet escompté. Au contraire, elle a instantanément suscité la méfiance, voire le rejet de la part des Gilets jaunes. Rejet accentué par l'opacité du Grand débat au contenu par ailleurs politiquement orienté, restrictif par ses questionnaires à sens unique, biaisé par la désignation de maires inféodés au pouvoir. De surcroît, débat organisé sans les membres du mouvement gilets jaunes. Aussi, la supercherie gouvernementale a été politiquement démasquée, dénoncée. De sorte que la majorité des Gilets jaunes a prôné dès l'annonce du projet le boycott du Grand débat.  

A l’évidence, par l'instauration de ce Grand débat national, le gouvernement espère surtout marginaliser le mouvement grâce à la participation massive de la population à cette mascarade. Rendant ainsi illégitime les modes d'action et les revendications exprimées par les Gilets jaunes "en dehors du cadre légal et institutionnel" étatique. Pourtant, cette stratégie de dévoiement institutionnel ne démobilise pas les Gilets Jaunes. Ni ne mobilise la “foule” citoyenne pour ce Grand débat. Bien au contraire.  
Aujourd'hui, pour contrer les manœuvres de Macron, les Gilets jaunes organisent régulièrement des contre-grands débats via des plateformes. 
 
De fait, l’enjeu pour l'exécutif, avec ce grand débat, est de faire diversion, d'opposer, aux actes successifs des Gilets Jaunes, ses propres « actes », en l’occurrence des débats interminables dans de multiples villes, en lieu et place de combats inflexibles dans la Rue, dans les centres névralgiques de l'économie.  
Une stratégie assumée par un ministre dans les pages du Figaro : « Désormais, chaque week-end, l’attention médiatique ne portera plus seulement sur les Gilets jaunes, mais sur la question de savoir qui va participer ou non au grand débat. Ça déplace le sujet. »   

En résumé, ce grand débat mis sur orbite par l'Astre jupitérien se place à des années lumières des préoccupations des Gilets Jaunes. Qui plus est, un débat marqué au sceau de la condescendance  macronienne, cette touche personnelle émaillée de petites phrases dégoulinantes de mépris de classe, sa marque de fabrique.  
 
Avant le lancement du Grand débat, dans sa « lettre aux Français », Macron a ouvert le bal du "débat" sur une symphonie bourgeoise bien connue du peuple : l'éternel refrain de l'imposture joué par les classes dominantes pour endormir le peuple, anesthésier son combat. Dès la première note, Macron invite le peuple à se précipiter sur la scène "consultative démocratique" mise à sa disposition dans les mairies afin de s'adonner à la rédaction soignée des cahiers de doléances, ce nouveau sésame politique censé réconcilier la grande nation française "irresponsablement" déchirée par des conflits sociaux par la faute des revendications inconscientes des Gilets jaunes. 
En outre, dans sa souveraine missive dictée par la Finance, sur les quatre thèmes soigneusement présélectionnés, afin de circonscrire le débat ou plutôt de poursuivre sa politique antisociale pour laquelle il a été élu par l’oligarchie financière, les dépenses publiques occupent une place de choix, la place du roi : le Capital. Ce n'est pas innocent. Par la focalisation sur ce thème, Macron oriente d'emblée subrepticement le débat vers la sempiternelle obsession de la bourgeoisie : la réduction des dépenses publiques. Or, les Gilets jaunes, tout comme tous les travailleurs, s'opposent justement à la réduction des dépenses publiques, autrement dit à la destruction des services publics.   

« Nous ne pouvons, quoi qu’il en soit, poursuivre les baisses d’impôt sans baisser le niveau global de notre dépense publique », a martelé Macron, le chef de l'exécutif de l'exécution capitale de la politique sociale. Autrement dit, résolu à maintenir le cap, le gouvernement Macron est contraint par le capital de poursuivre sa politique antisociale : remboursement prioritaire de la dette, réformes des retraites, du chômage, des aides sociales et plus généralement des services publics avec réduction des effectifs et précarisation et flexibilisation des conditions de travail, etc. 

Ainsi, selon Macron, « il n’y a pas de questions interdites » mais pourtant les thèmes abordés lors de cette Consultation nationale sont soigneusement présélectionnés par le gouvernement. Aussi, le « Grand débat national » sera donc limité aux thèmes suivants proposés aux "citoyens" sélectionnés pour leur esprit politiquement correct respectueux des institutions démocratiques : 1- la fiscalité et les dépenses publiques, 2- l’organisation de l’État et des services publics, 3- la transition écologique, 4- la démocratie et la citoyenneté. 

 
Force est de constater que ce grand débat n'est qu'une farce. Et les revendications des Gilets jaunes ne rentrent aucunement dans le cadre de ce débat national aux thèmes politiquement orientés éloignés des préoccupations vitales du mouvement. De là s'explique la persistance inébranlable de la mobilisation des Gilets jaunes, soutenue massivement par la majorité de la population.  Selon divers sondages, 52% de la population ne compte pas participer au grand débat. 
 
En tout état de cause, le jour J, dans la France démocratique, le 15 janvier 2019, le premier grand débat national du gouvernement Macron s'est déroulé d'emblée sous état de siège, dans un climat de guerre civile larvée.  
Inauguré dans la commune de Grand-Bourgtheroulde, dans un climat de sécurisation impressionnant : centre bouclé, marché annulé, manifestations interdites de 8 heures à 23 heures, interdiction de port de Gilet jaune sous peine d'amende de 135 euros ; le Grand débat a aussitôt dévoilé son caractère fallacieux et répressif.  
 
En effet, par la dimension institutionnelle bourgeoise des lieux où sont conviés exclusivement les notabilités municipales, aussi bien par le choix restrictif des thèmes traités, le Grand débat s'apparente à une réception mondaine. En outre, le débat a été interdit aux Gilets jaunes tenus militairement à distance.  
Au reste, dès le matin, lors de ce débat inaugural, la police a procédé à l'interpellation de deux Gilets jaunes pour avoir brandi une banderole portant une inscription hautement symbolique : « Manu arrête tes macronneries tu ne vas pas réussir à nous endormir avec ton grand débat ». 
 
A Besançon s'est tenu le 19 janvier 2019 le grand débat, organisé par le délégué général de LREM Stanislas Guérini. Les Gilets jaunes ont été interdits de participation au débat. En réaction, une cinquantaine de gilets jaunes ont forcé l’entrée de la salle pour interpeller le patron de LREM. Un des Gilets jaunes a lancé, pour dénoncer la supercherie de cette discussion : 
« Il y a une colère et vous n’ouvrez même pas la porte à la classe ouvrière, aux gens qui se battent et qui travaillent tous les jours ! » 

Quoi qu’il en soit, en dépit de l'occupation permanente de l'espace médiatique par Macron et de toute sa valetaille politique et journalistique, monopolisant les plateaux de télévision et les ondes radios pour dénigrer et décrédibiliser le mouvement, la popularité des Gilets jaunes ne faiblit pas. Le mouvement bénéficie toujours d'un soutien massif dans l'opinion publique. Au reste, ce soutien se vérifie dans les multiples sondages publiés régulièrement par les médias. En effet, selon divers sondages, l’approbation au mouvement culmine toujours à hauteur de 67%.  
 
Au demeurant, ce soutien massif au mouvement gilets jaunes a acculé certaines directions syndicales, notamment la CGT, à revoir par tactique leur position. Désormais, les syndicats, par calcul, appellent régulièrement à « manifester aux côtés des Gilets Jaunes ». 
Ainsi, dans un communiqué diffusé le 18 janvier 2019, l’union départementale Seine-Maritime CGT, a appelé à « manifester aux côtés des Gilets Jaunes » pour l’Acte 10. De surplus, le syndicat a déclaré qu’il « ne participera pas au grand débat, à quelque niveau que ce soit ».  

Au plan de la communication, l'opération médiatique du Grand débat se révèle désastreuse. En effet, au moment du lancement du Grand débat le 15 janvier 2019, couvert en grande pompe par les diverses chaines d'information en continu, plus d'un million de téléspectateurs ont suivi la mondaine prestation fleuve animée par la star du show politique, le sieur Macron à la voix inépuisable mais à la voie la politique déjà épuisée. BFM et LCI se sont partagés la plus belle part du gâteau de l'audience, et par voie de conséquence les recettes de publicité générées par la diffusion de ce premier Grand débat de la 5e République. Le second débat, diffusé en direct le 18 janvier 2019, a également été suivi par environ un million de téléspectateurs. Mais, les débats suivants ont été marqués par une chute libre de l'audience. Les débats ont moins passionné les Français. Moins de trois semaines après le lancement du Grand débat, le 4 février l'audience sur les deux chaînes d'information s'est effondrée, tombant à 270 000 téléspectateurs sur BFM et à 140 000 sur LCI.  
De sorte que les deux chaînes, par la diffusion "obligatoire" de ces débats désertés pourtant par les téléspectateurs, doivent supporter la perte de recettes publicitaires, aggravée par l'interdiction de toute interruption publicitaire pendant le débat. Débat par ailleurs s'éternisant parfois jusqu'à sept heures. 

Dernier rebondissement, sur le chapitre de la communication relative au Grand débat : la défection fracassante de Chantal Jouanno, 
Présidente de la Commission Nationale du Débat Public. Cette ancienne ministre de Sarkozy, à peine nommée pour diriger l’organisation du Grand débat, a dû abandonner le navire macronien en naufrage, à la suite de la polémique sur son faramineux indécent salaire. Néanmoins, au lendemain de sa démission, sur une chaîne d'information, Chantal Jouanno a accusé Macron de s'offrir une « opération de communication » en organisant un débat faussé. Un débat verrouillé par des questions et réponses dictées directement par le gouvernement. 

La nomination de Chantal Jouanno a dévoilé un autre aspect de l’indécence de la démocratie bourgeoise. En effet, au moment où s'exprime, parmi les multiples revendications du mouvement des Gilets jaunes, l'exigence d'abaisser les rémunérations des responsables politiques au niveau du salaire moyen, la presse a révélé le salaire mirobolant de Chantal Jouanno, atteignant quasiment 15 000 euros. Cette information sur l'indécent salaire intervient en pleine période où de très nombreux Gilets jaunes réclament une "moralisation de la vie politique" et l'abolition des privilèges des politiciens. Il est de la plus haute importance de s'inspirer de l'exemple de la Commune. En effet, parmi les mesures sociales prises par les révolutionnaires communards, figuraient l’élection et la révocabilité de tous les responsables dans l’Administration, la Justice, l’enseignement et la Garde Nationale), mais surtout l'alignement de leurs émoluments sur les salaires des ouvriers. Aujourd'hui, ce programme est plus que jamais d’actualité. 

Pour compléter son arsenal de propagande institutionnel mobilisé pour asphyxier le mouvement des Gilets jaunes, le gouvernement, outre l'organisation du Grand débat et la mise en œuvre des cahiers de doléances, et la réquisition des médias, l'Etat bourgeois a ouvert un site gouvernemental dédié au Grand débat. Sur ce site, le gouvernement a publié une série de « fiches pédagogiques » relatives à différentes thématiques : Fiscalité et dépenses publiques, organisation de l’Etat et services publics, transition écologique, démocratie et citoyenneté. 
Selon certaines informations, ces fiches visent avant tout à appuyer les choix budgétaires de l'exécutif, en d'autres termes la politique antisociale du gouvernement Macron. En effet, toutes les questions abordées sur ce site semblent orienter la discussion pour adhérer à la politique du gouvernement. Ainsi, l’objectif du gouvernement est avant tout de « borner » le débat dans le cadre du modèle "libéral", autrement dit la politique antisociale. L’autre objectif est idéologique. Réduire l’idéal fleurissant sur les ronds-points et dans la rue dans la rubrique politique « utopisme ». 

Pour ne pas être en reste, comme aux temps des colonies en révolte pour leur indépendance, la machine de propagande gouvernementale macroninne s'est aussi mobilisée pour instaurer une politique de "pacification" dans les territoires d'Outre-Mer. Pour ce faire, l'Empereur Macron a reçu le 1 février 2019 dans son palais une soixantaine d'élus d'Outre-Mer" de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Réunion, de Mayotte et de Saint-Pierre et Miquelon, dans le cadre du Grand débat national (colonial). 
Comme à son accoutumée, Macron n'a pu s'empêcher de proférer quelques phrases méprisantes. Avec des relents colonialistes, sur un ton de paternalisme colonial, pour ramener l'ordre dans la salle un moment agitée par les élus bourgeois des DOM TOM, à la suite de leur initiative de se passer le micro au lieu d’attendre qu’on leur donne la parole ; 
Macron a alors pris la parole pour rabrouer ses serviles élus : « Les enfants, asseyez-vous, vous n’êtes pas dans une communauté auto-gérée, c’est moi qui donne le micro … […] La Réunion a déjà assez parlé, la Martinique aussi... ». Le débat a été ainsi clôturé par l'Empereur Macron. 

L'hypocrisie du gouvernement de Macron n'a pas de limite. En effet, dans le même temps où l'Etat bourgeois organise son Grand débat, présenté comme la consultation citoyenne la plus démocratique de l'histoire, le gouvernement poursuit sa politique de répression policière et judiciaire contre les Gilets jaunes, mais surtout fait voter par l'assemblée nationale à sa dévotion, des lois liberticides. Effectivement, l’Assemblée nationale a voté à sa très large majorité la loi « anti-casseurs ». En réalité, cette loi liberticide entravant le droit de manifester et de circuler librement, ne fait qu’officialiser institutionnellement une situation factuelle.   
Dans ce texte voté le..., l'article 2 stipule que « le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, le préfet de police peut, par arrêté motivé, interdire de prendre part à une manifestation déclarée (...) à toute personne à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public ». D’autres articles du texte inscrivent dans la loi la possibilité des fouilles et palpations six heures avant la manifestation, la permission accordée aux forces de répression de condamner d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende des manifestants pour dissimulation, totale ou partielle de leur visage. 
Ainsi, avec ce gouvernement bourgeois de Macron, un cap vient d'être franchi en termes de criminalisation des luttes sociales. 

Pour contrer les manœuvres de la bourgeoisie, le prolétariat doit rejeter radicalement toute participation aux mascarades du gouvernement de Macron : débat national, cahiers de doléances, négociation avec les corps intermédiaires, association avec les syndicats, collaboration avec les partis politiques bourgeois, participation aux différentes élections, etc. 

Plus que jamais, c’est dans la rue et sur les ronds-points, par l’extension du mouvement et sa structuration démocratique par en bas, des ronds-points aux entreprises, des quartiers aux assemblées générales tenues en permanence, que le gouvernement pourra être vaincu, la perspective du renversement du capitalisme réalisable.  
   
 
 
 

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