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Le français : butin de guerre ou bulletin d’adhésion 

 

Kateb Yacine, stalinien impénitent, et esprit assurément pas pénétrant mais colonialement pénétré au point de cultiver une haine de soi symbolisée par son aversion pathologique des deux fondements de l’Algérie, la langue arabe et l’islam, a popularisé cette spécieuse formule proférée sous forme de slogan, de tirade théâtralement débitée : « La langue française est notre butin de guerre ».  

Son impertinent cri de ralliement s’adressait assurément à ses congénères lettrés vivant dans leur tour d’ivoire, c’est-à-dire la petite caste d’intellectuels francophones fabriquée par la France coloniale par la grâce de la langue d’allégeance : le français. Car ce slogan ne pouvait concerner les 92% d’Algériens analphabètes, pour qui le français était personnifié par le colon, incarné par Bugeaud et Bigeard et non pas Molière et Victor Hugo.  

Kateb Yacine devait avoir une mentalité de pauvre pour s’imaginer riche avec son dérisoire butin de guerre concédé mesquinement par la France coloniale. En fait, au vrai il ne s’agit pas d’un butin de guerre, mais plutôt d’un bulletin d’adhésion à la langue française coloniale. 

Lorsqu'on emploie l'expression « butin de guerre », cela implique que nous aurions pris possession d'un immense bien inestimable qui nous aurait prodigieusement enrichi.  

Or, à l'époque coloniale, dans le cas de la langue française, celle-ci n'avait jamais permis aux indigènes de s'enrichir intellectuellement, encore moins de prospérer scientifiquement. Pour preuve : à l’indépendance, seuls 8% de la population algérienne était rudimentairement scolarisée.  

Aussi, le français n'a jamais constitué notre butin de guerre. En revanche le Français nous a toujours mené une putain de guerre (d'extermination à la fois démographique, culturelle, cultuelle, civilisationnelle, linguistique). 

La langue française, outre le fait qu’elle fut parcimonieusement dispensée à une infime minorité, fut en vérité le cheval de Troie de la politique d’assimilation culturelle instaurée par la France coloniale. Elle ne fut jamais un attelage chargé de tracter les savoirs scientifiques pour libérer les potentialités intellectuelles du peuple algérien. Lui accorder les opportunités universitaires pour lui ouvrir les voies de son émancipation politique, de son progrès socioéconomique, de son indépendance nationale. La langue du maître Français fut dispensée à une minorité d’indigène musulman pour lui permettre de devenir, non pas une élite cérébrale, mais le dévoué cerbère politique voué à administrer loyalement ses coreligionnaires analphabètes au profit de la puissance coloniale française.  

Entre les mains des quelques lettrés soigneusement sélectionnés, le français constituait-il une arme pour lutter potentiellement contre le colonialisme ou une ceinture explosive ceinte autour du corps social du peuple algérien pour faire imploser concrètement sa langue arabe (kabyle), sa culture millénaire, ses racines arabo-berbères ? Cette langue française permettait-elle de s’ouvrir au monde comme le proclamaient (encore aujourd’hui) les thuriféraires de la culture élitiste coloniale, ou travaillait-elle à la marginalisation et épuration de l’univers identitaire arabo-berbère, c’est-à-dire à la disparition de « soi-collectif » algérien, exécutée par une forme de suicide culturel ? 

De nombreux Algériens francophones et francophiles, pourfendeur de l’arabisation de l’enseignement algérien, avec leur mentalité de colonisé expliquant leur amour immodéré de la langue et de la civilisation françaises, peuvent reprendre à leur compte cette proclamation de foi servilement déclamée par le poète malgache Jacques Rabemananjara en 1959 à propos de la langue française: «Nous nous sommes emparés d’elle, nous nous la sommes appropriée, au point de la revendiquer nôtre au même titre que ses détenteurs de droit divin.». Voilà : la langue française est devenue leur langue sacrée, au point de vouloir sacrifier la langue maternelle et officielle du peuple algérien : l’arabe. Cette autre proclamation de foi française écrite par un auteur haïtien au début du XXe siècle peut également être appropriée par ces Algériens sectateurs de la francophonie : « Notre langue est française, françaises sont nos mœurs, nos coutumes, nos idées et, qu’on le veuille ou non, française est notre âme. ». L’âme de ces Algériens culturellement néo-harkis est incontestablement française, comme leur arme est la langue française, ce butin de guerre fièrement revendiqué comme faisant partie intégrante du patrimoine linguistique algérien.  

 

 

 

 

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